L’école d’après : encore les mêmes recettes ?

lundi 1er juin 2020
par  Sud éduc 34

Article de SUD éducation 34

Un ministre qui se donne le beau rôle, une profession épuisée et perdue, des élèves et des familles qui s’éloignent… Le tableau fait peine, et les perspectives qui se profilent sont loin de permettre son amélioration. À moins que...

L’école d’après : encore les mêmes recettes ?

Confinement et déconfinement

Les enseignant-es et enseignants ne s’étaient pas privés de dire leur souffrance très tôt dans l’année. Le suicide de Christine Renon, directrice d’école, avait servi de déclencheur professionnel, médiatique et ministériel pour enfin aborder les sujets de l’accumulation de tâches de plus en plus éloignées du métier et de la souffrance au travail.

La période du confinement a contraint les personnels à repenser, dans l’urgence et l’impréparation la plus totale, leur façon de travailler.
Parce qu’ils sont toujours soucieux de leurs élèves et très conscients du lien à la fois social et pédagogique qui les lie aux familles, les personnels ont transgressé par eux-mêmes le droit qui protège, le code du travail, le cadre règlementaire : droit à la déconnexion, cadre du télétravail, prise en charge du matériel informatique par l’employeur, présentiel-distanciel-photocopies… Sans jamais compter leurs heures, évidemment. Cela n’avait rien à voir avec de la pédagogie, mais un lien a été maintenu avec les élèves et leurs familles. Cela n’avait presque rien à voir avec notre métier, mais du travail a été fait.

Fort de cette expérience, le gouvernement a engagé le déconfinement et la réouverture des écoles en comptant sur le même état d’esprit des personnels. Après tout, ne suffit-il pas d’évoquer, un trémolo dans la voix, les inégalités qui se creusent, pour saisir le coeur et raviver l’esprit de sacrifice de toute la profession ?

Des constats douloureux

Effectivement, des personnels sont revenus sur le terrain, quelques élèves aussi. Mais la pression augmente à toute vitesse : un protocole sanitaire si lourd qu’il en est inapplicable, une vigilance constante qui épuise, des ordres et contre-ordres permanents, une organisation des écoles à revoir jour après jour, une pression constante pour accueillir toujours plus d’élèves, des conflits entre mairies prudentes et IEN débridés…
Le DASEN de l’Hérault a revendiqué auprès des représentant-es du personnel le fait de ne pas considérer le cadre règlementaire dans la situation actuelle : les circulaires, les fiches de poste ne l’intéressent plus.

Nombre d’AESH, d’enseignant-es, de médecins et d’infirmiers-ères scolaires, d’assistantes sociales, d’AED encaissent les difficultés du terrain, la pression et le mépris de la hiérarchie chaque jour, et continuent pourtant d’aller travailler.
Mais malheureusement, les premiers arrêts maladie, les premiers burn-out, et les premiers suicides arrivent, au beau milieu des nouvelles contaminations au Covid-19…

La deuxième phase du déconfinement, qui commence en juin, promet d’être compliquée.

Les projets du gouvernement et de LREM

Les projets de Blanquer sont exactement les mêmes depuis qu’il exerce de hautes fonctions : concentrer l’école sur les apprentissages fondamentaux, développer le marché de l’enseignement à distance, casser les résistances et l’esprit d’équipe en renforçant la hiérarchie.

Dans les cartons :
- encore une proposition de loi pour un statut / une fonction de direction d’école (déjà refusé à maintes reprises par la profession, la dernière fois c’était à l’automne 2019)
- la relégation des apprentissages considérés comme non fondamentaux par le ministère aux collectivités territoriales, sous la nouvelle forme des 2S2C (Sport, Santé, Culture et Civisme)
- l’appui de l’école à distance sur des plate-formes privées, l’hébergement des données numériques par des entreprises privées (c’est déjà le cas pour les évaluations nationales)

En clair, le projet c’est de casser l’Éducation Nationale pour en faire une Éducation Territoriale, et privée. Les inégalités ont de très beaux jours devant elles, avec ce programme !

Quand notre ministre dit se battre « comme un lion » pour porter ce projet, notre devoir de fonctionnaire est exactement de lui résister !

Nous avons des droits : utilisons-les !

Nous ne sommes ni des hussards de la République, ni des esclaves, ni des fonctionnaires-sujets. Nous ne sommes pas les victimes consentantes des impératifs économiques recherchés par le gouvernement. Nous ne sommes pas volontaires pour le sacrifice qui est exigé.

Nous sommes des fonctionnaires-citoyens. Nous sommes des travailleurs et travailleuses, plus ou moins précaires, mais toutes et tous conscient-es de la haute valeur portée par nos métiers. Pour défendre nos missions et nos conditions d’exercice, l’article sur les moyens légaux à notre disposition sera actualisé au fur et à mesure de la communication du gouvernement.

Pour le service public
L’Éducation doit rester Nationale pour respecter le principe d’égalité qui fonde notre société.
Par ailleurs pour combattre les inégalités, la seule action de l’école est insuffisante. Ce qui crée la « difficulté scolaire », ce sont les inégalités sociales : ne pas manger à sa faim, ne jamais pouvoir avoir un moment de calme, de solitude ou de silence, ne pas avoir de matériel pour étudier, avoir des obligations domestiques, avoir la charge de plus petits que soi. L’inégalité d’accès à la « réussite scolaire » n’est que rarement une question pédagogique, mais le plus souvent une question de classe sociale. Tout dans cette période le montre, que ce soit à travers la classe à distance ou le suivi des travaux : le confinement n’a pas créé les inégalités, il les a révélées et renforcées.

Le service public de l’éducation nationale est indispensable, et nos métiers sont importants : ils valent la peine que l’on se batte pour eux.