Réforme du collège : où en est-on  ?

jeudi 16 mars 2023
par  Sud éduc 34

Article de SUD éducation
Jeudi 16 mars 2023

Le Ministre Pap Ndiaye a annoncé la prochaine cible de sa politique éducative : le collège. Blanquer a imposé sa politique éducative à l’école avec les évaluations nationales et des réformes des lycées dont les personnels dénoncent encore les effets aujourd’hui.

Il ne restait plus que le collège à Pap Ndiaye pour poursuivre l’action de Blanquer.

La réforme des collèges en 2015 et les politiques coupes budgétaires ont largement dégradé le collège. Entre 2017 et 2022, ce sont 7 900 postes qui ont été supprimés, soit environ 160 collèges. Aucune vraie politique de réduction des inégalités n’a été mise en œuvre. Entre les moyens insuffisants, le trop grand nombre d’élèves par classe, l’inclusion sans moyens et la multiplication des “dispositifs-vitrines”, le ministère de l’Éducation nationale a fait reculer l’objectif émancipateur du collège unique. Le collège unique, c’est la volonté de permettre à tous les élèves l’accès au même bagage scolaire. Les systèmes scolaires qui orientent les élèves tôt, reproduisent davantage les inégalités sociales.

SUD éducation décrypte pour vous les annonces du ministère.

1/ La suppression de la technologie

Après une annonce dans la presse, le projet de suppression de la technologie en 6e a été présenté en Conseil Supérieur de l’Éducation le 19 janvier. Le volume de technologie est réduit à 3h en 5e, 4e et 3e. Le motif invoqué est son remplacement par « une heure de consolidation ou d’approfondissement en français et en mathématiques » dès la rentrée 2023, « sans augmenter le volume horaire hebdomadaire obligatoire ».

Alors que le ministère s’était engagé auprès des organisations syndicales à ne fermer aucun poste et ne prendre aucune mesure de carte scolaire, les retours des académies montrent qu’à nouveau les promesses ne sont pas tenues.

Le ministre annonce une réforme de la technologie au cycle 4 (5ème, 4ème, 3ème) pour la revaloriser et « en faire un élément d’attractivité des voies et disciplines, notamment numériques, choisies au lycée ». Ces nouveaux programmes seraient mis en œuvre à la rentrée 2024. Voilà mis en œuvre le « en même temps » présidentiel : supprimer des heures pour revaloriser un champ disciplinaire. Malgré le vote défavorable du CSE, le ministre s’entête à supprimer la technologie en 6e.

Pour plus d’informations, vous pouvez lire notre communiqué.

2/ Une heure de soutien/approfondissement en 6e

Le ministre veut imposer l’école des savoirs fondamentaux au collège. Pour cela, il commence par imposer une heure de soutien/approfondissement en 6e comprise dans les 26h de classe des élèves, sur le temps scolaire.

Il s’agit d’une redéfinition des enseignements complémentaires instaurés par la réforme du collège puisque l’heure hebdomadaire de soutien ou d’approfondissement est ajoutée à l’accompagnement personnalisé et aux EPI.

Le texte qui sera présenté au prochain CSE prévoit que cette heure se déroule en “interclasse”, c’est-à-dire en groupe de besoin qui mélangent les classes. Les heures de soutien/approfondissement devront donc être positionnées aux mêmes horaires pour pouvoir casser les groupes classe.

SUD éducation est extrêmement critique du projet pédagogique sous-jacent : les groupes de niveau élaborés pour travailler une compétence en particulier sont particulièrement inefficace et témoignent d’une vision mécaniste des apprentissages. Les apprentissages perdent leur sens lorsqu’ils sont coupés d’une dynamique globale et morcelés par item.

SUD éducation dénonce :

- la constitution de ces groupes à partir des résultats aux évaluations nationales alors que ces évaluations standardisées ne sont pas pertinentes pour mettre au jour les besoins et les difficultés des élèves,
- la participation des professeur·es des écoles à la réalisation de ces heures dans le cadre du “Pacte”.

Dans le cadre de la préparation de la rentrée 2023, les équipes de français et de mathématiques se répartissent ses heures dans les collèges. SUD éducation revendique que ces heures soient intégrées au service des collègues en heures postes et non en heures supplémentaires.

3/ Des évaluations nationales en 4e

Alors que l’ensemble des organisations syndicales dénoncent les évaluations nationales, le ministère veut les généraliser au collège en ajoutant une session d’évaluation nationale en 4e sur le modèle des évaluations de 6e ( test de fluence, français:compréhension de l’oral, de l’écrit, études de la langue, maths : nombre et calculs, espace-géométrie, grandeurs et mesures, fiche de restitution individuelle avec 3 profils d’élèves : à besoin, fragile, satisfaisant) .

Ces évaluations standardisées n’apportent rien aux enseignant·es et ne permettent pas de mieux cerner les difficultés des élèves, les résultats sont inexploitables et déconnectés des apprentissages…

Ces évaluations servent de socle pour imposer une politique éducative mécaniste qui trie les élèves par “besoin” au mépris des dynamiques d’apprentissage en jeu dans le groupe classe.

4/ L’obligation de l’accompagnement aux devoirs en 6e

Le ministre veut rendre obligatoire Devoirs Faits qui va à nouveau changer d’appellation “Accompagnement aux devoirs”. Le volume et l’organisation du dispositif reste fixé localement : c’est un pas de plus dans la territorialisation de l’éducation puisque selon leur collège, tous les élèves de 6e n’auront pas droit au même nombre d’heures d’accompagnement. Ces heures seront financées par une enveloppe à part qui n’entre pas dans les DHG et qui s’ajoutent donc aux heures postes et aux heures supplémentaires.
Ainsi le ministre compte faire de l’accompagnement aux devoirs un dispositif supplémentaire qui va s’ajouter aux 26h obligatoires des élèves et au maxima hebdomadaire des personnels.

5/ Le dispositif de découverte des métiers dès la 5e

Le ministre a entamé la réflexion sur la refonte dès la rentrée 2023 du Parcours Avenir dans un dispositif de “découverte des métiers”. Il s’agit d’organiser sur un volume horaire à définir en 5e, 4e et 3e des visites en entreprises, des visites en milieu professionnel ou encore des rencontres avec des professionnels. Le ministère justifie cette mesure comme une mesure de réduction des inégalités territoriales, sociales, de genre qui réduisent les possibles pour les élèves. Il s’agit selon les mots du ministère : d’“ouvrir le champ des possibles” et d’oeuvrer à l”“égalité des droits, des perspectives et des ambitions”.

Le ministère relève deux champs d’intervention :

- la découverte des secteurs d’activité pour ne pas être enfermé·e dans un choix, possibilité de faire des immersions (stages, visites…)
- la relation entre les entreprises et l’école : rencontre avec des professionnels qui permettront de dépasser les représentations genrées par exemple.

Selon le ministère, le dispositif sera pris en charge collectivement sous la conduite des PsyEN, Profs principaux et des professeur·es documentalistes. SUD éducation a rappelé :

- la surcharge de travail des PP,
- le manque de PsyEN,
- que les professeur·es documentalistes ont déjà des missions et que ce ne sont pas les variables d’ajustement des politiques éducatives.

Pour SUD éducation, il s’agit d’un nouveau dispositif d’intrusion de l’entreprise dans l’école et de pré-orientation des élèves des quartiers populaires vers la voie professionnelle.

C’est un projet imposé arbitrairement aux équipes qui devront sacrifier d’autres projets pédagogiques pour avoir le temps de mettre en œuvre la découverte des métiers.

Le ministère ne prévoit aucune vraie mesure de réduction des inégalités territoriales qui jouent pourtant énormément dans les choix d’orientation ou de lieux de stage des élèves. SUD éducation porte par exemple la gratuité des transports.
Enfin, une vive inquiétude demeure quant au choix des associations qui seront invitées à intervenir. Nous avons des retours des collèges au sujet d’associations agréées qui tiennent un discours validiste auprès des élèves, qui véhiculent un discours managérial dans l’école ou encore qui sont financées par des entreprises polluantes.

6/ Nos revendications pour le collège

Pour SUD éducation, il y a urgence à donner au collège les moyens de fonctionner, il faut :

- baisser le nombre d’élèves par classe,
- recruter des personnels enseignants, AESH, AED, CPE, Psy-EN, médico-sociaux, techniques, administratifs…
- financer les options afin d’élargir l’offre de formation dans tous les collèges,
- former les personnels aux défis de l’école de demain : l’inclusion, la lutte contre les inégalités et les violences, l’accueil de tous les élèves, la reconversion écologique de la société.