Accord Protection sociale complémentaire (PSC) : quelles conséquences  ?

jeudi 11 janvier 2024
par  Sud éduc 34

Article de SUD éducation
Mardi 9 janvier 2024

À partir de juillet 2025, les personnels de l’éducation et de l’ESR changeront de complémentaire santé.

Un nouveau régime complémentaire verra le jour avec un volet obligatoire et subventionné par le ministère pour les frais de santé et un volet facultatif mais également subventionné par le ministère pour la prévoyance (c’est-à-dire pour la couverture en cas d’incapacité, d’invalidité ou de décès).

SUD éducation a participé activement aux négociations et y a porté ses revendications. Si un certain nombre de points noirs demeurent, l’accord obtenu permet des d’avancées substantielles.

SUD éducation fait le point sur un accord qui aura des conséquences importantes sur la vie de plusieurs millions de personnes : personnels, retraité⋅es, enfants, conjoint⋅es et partenaires.

Qu’est-ce que la protection sociale complémentaire ?

La protection sociale complémentaire, c’est deux choses :

1. la protection qui vient en complément des remboursements versés par la sécurité sociale pour les dépenses de santé (médicaments, consultations, hospitalisation, etc.)
2. une indemnisation complémentaire pour maintenir le niveau de rémunération quand il baisse à l’occasion de l’arrêt maladie, le versement d’un capital aux proches en cas de décès, prise en charge des études des enfants, etc. On appelle cela la prévoyance.

Pour garantir ces risques, la plupart des salarié⋅es souscrit des contrats auprès de complémentaires. Les complémentaires santé représentent un coût conséquent, qui résulte du désengagement de la sécurité sociale.

Que prévoit l’accord en matière de complémentaire santé ?

Dans le secteur privé, il existe le principe d’une complémentaire d’entreprise financée à 50% par l’entreprise pour les frais de santé depuis 2016. C’est donc avec près de 10 ans de retard que les salarié⋅es de l’État pourront en bénéficier.

Il y aura deux étages :

1. Le remboursement des frais de santé. Cette couverture sera obligatoire pour les salarié⋅es de l’Éducation nationale et de l’ESR. Le ministère prendra en charge environ 40 à 50% du coût de l’adhésion par l’agent⋅e en fonction du niveau de rémunération.
2. La prévoyance  : l’employeur s’engage à financer à hauteur de 7€ mensuels par agent⋅e la souscription d’une complémentaire qui sera collective mais à adhésion facultative.
La protection sociale complémentaire (PSC) sera en principe obligatoire pour les agent·es en activité, facultative pour les agent·es à la retraite.

Le régime des retraité·es sera financé partiellement par la solidarité des agent·es en activité.

Est-ce que l’accord prévoit des avancées statutaires ?

L’accord interministériel, signé par l’Union syndicale Solidaires, est décliné dans l’accord ministériel. Cet accord prévoit de meilleures garanties statutaires pour les personnels.

Pour le congé longue maladie (CLM), l’indemnisation est portée à :

- 100 % du traitement indiciaire et 33 % de la rémunération indemnitaire la première année ;
- 60 % de cette assiette de rémunération la deuxième année ;
- 60 % de cette assiette de rémunération la troisième année.
Pour les agent⋅es contractuel⋅les, les conditions d’ancienneté pour bénéficier du congé grave maladie seront ramenées à quatre mois. L’accord prévoit également la mise en œuvre d’une subrogation de salaire pour les agent·es contractuel·les en congé de maladie ordinaire à compter de 4 mois d’ancienneté, ce dispositif simplifiera la gestion des arrêts ordinaires sans avoir besoin de demander le versement d’Indemnités Journalières de sécurité sociale (IJSS) à la MGEN ou à la CPAM.

L’invalidité sera mieux prise en charge.

Qui est concerné par la complémentaire obligatoire dans l’éducation et l’ESR ?

Tout le monde est concerné par le dispositif, car il sera proposé à tous les personnels en activité ou retraité·es, fonctionnaires ou contractuel·les.

Les conjoint·es, partenaires, ou concubin·es, ainsi que les enfants sont également concerné·es à titre facultatif.

La nouvelle complémentaire sera-t-elle obligatoire pour tout le monde ?

Si vous êtes en activité, en principe, oui. Quelques cas de dérogation sont prévus :

- si vous êtes éligible à la complémentaire santé solidaire, parce que vos revenus sont trop bas ;
- si vous êtes en CDD et que vous avez déjà une mutuelle ;
- si vous êtes ayant droit d’une personne bénéficiant déjà d’une complémentaire santé obligatoire, soit dans le privé, soit dans la fonction publique.

Si vous êtes retraité·e, elle n’est pas obligatoire. Mais le nouveau régime, facultatif, n’en reste pas moins intéressant pour vous, pour plusieurs raisons :

- les actives et les actifs financeront la solidarité avec les retraité⋅es pour limiter fortement le niveau des cotisations ;
- les mutuelles auxquelles cotisent actuellement les retraité⋅es mettent généralement en œuvre des mécanismes de solidarité. Mais comme l’ensemble des salarié⋅es de la fonction publique va basculer dans le nouveau régime, les mutuelles perdront tou⋅tes les actifs et actives qui financent la solidarité.

Quand s’appliquera le nouveau régime ?

Le nouveau régime s’appliquera à partir du 1er juillet 2025. Auparavant, rien ne change : les salarié⋅es conservent leur mutuelle. Dans la période qui vient, les personnels seront progressivement inscrit⋅es dans le dispositif, qui s’appliquera pour tout le monde en même temps.

Mais j’ai déjà une complémentaire !

Comme le régime sera obligatoire pour les actif·ves, mieux vaut éviter de payer deux fois !

Il faudra donc résilier, sans frais, la complémentaire actuelle. SUD a demandé la mise en œuvre d’une campagne d’information précise à destination de tous les personnels ainsi que des retraité·es pour les informer du droit à résilier.

Mon état de santé sera-t-il pris en compte pour mon adhésion au nouveau système ?

Non, cela fait partie des garanties négociées par les organisations de la fonction publique de l’État. L’adhésion au nouveau régime se fait en dehors de critères d’âge et sans questionnaire médical préalable. Ce sont des garanties importantes notamment pour les personnels qui rencontrent des problèmes de santé importants ou sont en situation de handicap.

Quel sera le niveau de remboursement de la complémentaire ?

Le niveau de remboursement qui sera pratiqué est public. Il sera le même pour toute la fonction publique de l’État. SUD éducation et Solidaires Fonction publique revendiquent l’amélioration de ce régime de base avec le financement de l’employeur.

Le niveau de prestation dans ce cahier des charges est cependant déjà supérieur au niveau de prestation des contrats de la grande majorité des personnels et agent·es retraité·es.

Y aura-t-il des mécanismes de solidarité ?

Oui :

Pour les agent·es retraité·es. Des mécanismes de solidarité sont prévus explicitement dans les textes publiés. Les actif·ves cotiseront pour aider les retraité·es, selon des modalités qui sont en cours de discussion entre les organisations syndicales et le ministère.

Pour SUD, il est essentiel que les retraité·es puissent bénéficier d’une protection sociale complémentaire de bon niveau à un tarif raisonnable, tout en n’augmentant pas trop les cotisations des bas salaires.

Pour les CDD non renouvelés. Les agent·es en CDD bénéficieront de la couverture santé à titre gratuit tant qu’ils ou elles bénéficient d’une inscription à Pôle Emploi donnant lieu à indemnisation, dans la limite des droits générés et d’un an. SUD éducation a obtenu que l’administration s’engage à mettre en œuvre ce dispositif pour les agent·es non renouvelé·es y compris lorsqu’elle n’est pas en mesure de délivrer à temps les documents nécessaires à l’indemnisation Pôle Emploi.

Pour les enfants. Un mécanisme prévoit également une demi-cotisation pour les enfants de l’agent·e, et la gratuité à compter du troisième enfant. Pour les options facultatives, le premier enfant voit sa cotisation fixée à 50%, le deuxième à 25% de celle d’un adulte ; le troisième enfant n’a pas de cotisation.

Combien coûtera la complémentaire ?

On ne pourra obtenir un tarif précis qu’une fois la complémentaire sélectionnée. Pour donner un ordre d’idée, la complémentaire coûtera au total environ autant qu’aujourd’hui, pour des prestations souvent supérieures. Mais le tarif effectivement payé par les agent·es en activité sera moindre, en raison de la prise en charge par l’employeur de la moitié de la cotisation d’équilibre.

Cette subvention remplacera les 15€ actuellement versés pour les agent⋅es ayant souscrit à une complémentaire dite “responsable”. Elle lui sera largement supérieure. Pour s’en donner une idée, le gouvernement prévoit en année pleine 600 millions d’euros pour le dispositif, pour 1,2 millions d’agent·es environ, ce qui conduit à un financement à hauteur d’environ 40 euros mensuels par agent·e.

La complémentaire prévoyance facultative fera l’objet d’un financement à hauteur de 7€ par salarié⋅e. D’après nos premières estimations, la complémentaire prévoyance aura un coût pour les salarié⋅es de 12€ mensuels.

Est-ce que le tarif variera en fonction de l’âge ou de la santé ?

Pour tous les personnels en activité, quel que soit l’âge ou les conditions de santé, ainsi que pour les ayants droit, le montant variera en fonction du salaire perçu par le ou la salarié⋅e. Les plus hauts revenus financent donc en partie la cotisation des plus faibles revenus. Mais le système a une limite importante : au-delà de 3 864 € bruts mensuels, la cotisation n’augmente plus. Pour SUD éducation, ce plafonnement dans un régime obligatoire n’a aucune raison d’être, si ce n’est de favoriser les plus hautes rémunérations. SUD revendique la disparition de cette limite, avec l’Union syndicale Solidaires.

Pour les retraité·es, le tarif augmentera selon des modalités qui restent à définir. En tout état de cause, il sera plafonné. D’après nos projections, nous estimons que les mécanismes de solidarité permettront de réduire significativement le tarif pour les retraité·es en comparaison de ce qu’ils et elles paient aujourd’hui pour un niveau de prestation supérieur.

Il est clair également que la cotisation des enfants, même fixée à 50% par rapport à celle d’un adulte, est encore largement surévaluée. Solidaires Fonction Publique a demandé un arbitrage au ministre de la Fonction Publique afin de faire baisser le seuil de la cotisation du premier enfant en dessous de 50% du prix de la cotisation d’équilibre afin de ne pas alourdir le coût pour les familles.

Je risque de ne pas pouvoir payer, car mon salaire est trop bas.

C’est un véritable problème. Pour SUD, le dispositif ne doit pas conduire à laisser de côté les bas revenus.

La solution la plus évidente consiste à augmenter significativement les salaires des personnels contractuel·les (notamment des AESH et AED) ainsi que des personnels en catégorie C et B.
En parallèle, SUD revendique un mécanisme de subventionnement et d’aide spécifique inconditionnel pour les faibles revenus, et une augmentation de la part de la cotisation calculée en fonction du revenu.

À l’heure actuelle, un mécanisme de solidarité est prévu entre les hauts et les bas salaires, modulant la cotisation. Néanmoins, les très hauts revenus voient leur solidarité plafonnée. Pour SUD éducation, il n’est pas acceptable que les plus hauts revenus soient conduits à moins contribuer.

Je risque de ne pas pouvoir payer, car ma pension est trop basse.

Une part de la cotisation des personnels a pour vocation d’alimenter un fonds d’aide pour les personnels retraités. L’objectif est d’augmenter la solidarité avec les retraité⋅es.

Y aura-t-il également des prestations sociales ?

Oui. Un fonds reposant sur une cotisation additionnelle est prévu. SUD éducation revendique des prestations largement tournées vers le champ du handicap.

Sera-t-il possible d’améliorer la couverture de base en santé ?

Oui. Le ministère de la fonction publique a décidé de financer une couverture facultative en plus de la couverture de base obligatoire dans la limite de 5€ mensuels pour les agent·es actif·ves.

Il y aura deux niveaux d’option. SUD éducation a œuvré à limiter le nombre d’options et pour que les options répondent en priorité aux besoins en matière de santé mentale et des femmes.

Qui choisit la complémentaire ?

Le ministère organisera un appel d’offre sur la base de l’accord conclu avec les organisations syndicales représentatives. SUD et les autres organisations participeront à l’élaboration du cahier des charges précis permettant de noter les structures qui répondront.

Si évidemment le tarif constituera un élément observé attentivement, SUD sera très vigilant à la qualité de la prestation proposée : accueil physique, ligne téléphonique, rapidité de traitement des remboursements, lisibilité des informations et du site Internet, etc.

Qui gérera ce nouveau régime ?

Le ministère gérera le nouveau régime, mais les organisations syndicales représentatives exerceront un contrôle. Une commission paritaire ministérielle sera créée à cet effet. SUD y siégera.

J’ai entendu dire que la retraite d’office pour invalidité serait supprimée : qu’en est-il ?

L’accord signé avec les organisations syndicales dont l’Union syndicale Solidaires prévoit en effet de remplacer la mise à la retraite pour invalidité par un nouveau régime d’invalidité. Actuellement, la mise à la retraite pour invalidité peut avoir des conséquences négatives pour des agent·es qui sont placé·es à la retraite d’office pour des motifs d’inaptitude définitive à toutes fonctions alors qu’ils et elles sont loin de la retraite.

L’accord prévoit un nouveau régime d’invalidité pour les invalidités qui ne sont pas liées à un accident de travail ou à une maladie professionnelle. Il consistera au versement d’une rente, en fonction du niveau d’invalidité, qui permettra de continuer à travailler pour les personnels qui le souhaitent, ce qui est jusqu’ici impossible. Les salarié⋅es continueront à cotiser jusqu’à leur départ effectif à la retraite.

Pour les personnels qui auraient une invalidité incompatible avec l’exercice des fonctions, ils et elles seront maintenu·es dans un régime d’invalidité avec une rente d’invalidité jusqu’à faire valoir leurs droits à la retraite à 62 ans, ce qui aura pour effet de donner droit à une retraite à quasi taux plein.

SUD éducation et Solidaires Fonction Publique jugent que cette disposition est une première avancée pour la protection des agent·es et l’inclusion des personnels quel que soit leur handicap.

Quelle est la position de SUD sur ce nouveau dispositif ?

Pour SUD éducation, l’enjeu de fond et de long terme est évidemment le retour à une gestion à 100% par la Sécurité sociale, sans reste à charge pour les cotisant·es. Les frais de gestion de la Sécurité sociale sont extrêmement faibles comparés aux opérateurs privés quels qu’ils soient, ce sont donc tous les travailleurs et toutes les travailleuses qui en bénéficieraient. Qui plus est, cela réduirait les inégalités selon le principe “chacun contribue selon ses moyens, reçoit selon ses besoins”. La mutualisation maximale reviendrait aussi à permettre une réduction des coûts.

Cela étant, la plupart des personnels et des retraité·es doivent aujourd’hui recourir à la complémentaire santé. Pour SUD, une protection sociale complémentaire la plus homogène possible pour le ministère contribue à diminuer les inégalités, et rapproche peu à peu de l’objectif du “100% sécu”, avec une part importante de cotisation patronale dans ce système. Il s’agit donc de gagner le plus d’égalité possible et de limiter au maximum les dépenses occasionnées par les accidents de santé des personnels en activité ou retraité·es et de leurs proches. Dans un contexte des annonces d’un désengagement de l’État du financement de la Sécurité sociale et de la non-compensation des cotisations, ainsi que les annonces de diminution de remboursements, il est nécessaire de gagner une couverture du meilleur niveau possible pour l’ensemble des personnels.